Il y a plusieurs Berlin. Coupée en deux pendant près de 40 ans, la capitale allemande hésite entre son passé communiste, son esprit contestataire et une gentrification galopante. Plongée dans le Berlin alternatif
Romuald Dumas
« La plus grande extravagance culturelle qu’on puisse imaginer », pour David Bowie. « Pauvre mais sexy », selon son ancien maire Klaus Wowereit, Berlin est un véritable incubateur de l’underground qui a toujours attiré les artistes. Bowie donc, les Beatles ou U2 y ont séjourné en y puisant l’inspiration. Aujourd’hui, des centaines de jeunes plasticiens, dessinateurs, et musiciens peuplent ses ateliers continuant de faire vivre l’âme d’une ville en perpétuel mouvement.
Sous le béton, la plage
Ce Berlin alternatif attire de plus en plus de touristes venus passer un week-end dans la capitale allemande pour y capter un peu de son esprit contestataire et de sa fièvre créatrice. Si l’emblématique squat de Tacheles a été fermé par les autorités, si certaines friches ne sont pas « ouvertes » aux visiteurs, plusieurs lieux continuent de symboliser ce « Berlino-kaputt », surtout à Kreuzberg, Friedrichshain, Mitte, Neukölln ou Prenzlauerberg.
Dans le quartier de Kreuzberg, il y a bien sûr la fameuse East Side Gallery, le morceau de mur encore debout et décoré de milliers de graffitis. Tout près, se trouve le Yaam club, un café jamaïcain, installé au bord du fleuve de la Spree. On peut profiter de son skate-park, de son aire de jeu pour enfants, de ses terrains de sport ou de sa plage artificielle pour déguster sa cuisine africaine, caribéenne et brésilienne. Toujours à Kreuzberg, le Bethanien est un ancien hôpital réhabilité en lieu de culture où des artistes ont niché leurs ateliers et proposent des expositions ou des concerts.
Marchés aux puces et brunch
Même ambiance foisonnante au Raw temple, dans le quartier de Friedrichshain. Cette ancienne friche industrielle a été reconvertie en centre associatif culturel, avec halle de skate, marché aux puces, école de cirque et de danse, ateliers, restaurants et bars. Le site est également très animé la nuit puisqu’il abrite la fameuse boîte Cassiopeia. Non loin de là, le Vetomat (35, Schwarnweberstraße) est un café-atelier dans lequel vous pourrez découvrir les « vokü », contraction de volksküche (la cuisine du peuple). Au menu, un plat et un dessert pour seulement 3 euros. Le café Zielona gora (73, Grünbergerstraße) propose également des vokü. Depuis Friedrichshain on peut aussi remonter le canal, emprunter le pont Admiral Brücke pour atterrir… à l’ancien aéroport de Tempelhof. Transformé en parc, il est un lieu de rendez-vous incontournable des Berlinois, surtout aux beaux jours, pour des barbecues improvisés.
Pression sur l’alternatif
Du côté de Prenzlauerberg, le quartier bobo de Berlin, ne manquez pas le 86 de la Kastanienallee. Sur la façade de ce drôle d’immeuble délabré figure une inscription qui résume l’esprit du lieu : « Kapitalismus normiert, zerstört, tötet » (« le capitalisme normalise, détruit, tue »). Un message qui ne passe pas inaperçu au milieu de cette rue plutôt commerçante. Ce squat autogéré est le symbole du combat mené par les tenants du Berlin alternatif face à la pression immobilière qui réduit, chaque jour, comme peau de chagrin, l’empreinte de la contre-culture. Prévoyez de passer un dimanche à Prenzlauerberg car c’est ce jour là que se tient le célèbre marché aux puces de Mauer park. Pour les passionnés de vintage, de kitsch ou les amateurs des vestiges de la RDA, direction le marché d’Arkona platz.
Autre îlot de résistance, la Haus Schwarzenberg, dans le quartier Mitte. Engouffrez vous dans le passage situé au numéro 39 de la Rosenthalerstraße. Succession de cours intérieures recouvertes de tags, l’endroit regroupe le musée Anne Frank, le musée Otto Weidt (imprimeur qui a caché des juifs pendant la guerre), un café rétro, une boutique de disques et bandes dessinées et l’Eschschloraque, un bar décoré de monstres de ferraille. Plus calme et moins connu, le joli café Olé (Tyskland, Boddinstraße) dans le quartier de Neukölln. On y déguste le Früschtück, le brunch berlinois, véritable institution dominicale.