Ville de contrastes où l’austérité architecturale du classicisme stalinien ne fait plus autorité, Bucarest est depuis les années 2000 en pleine « movida ». Un quartier est l’épicentre de cette renaissance : Lipscani
Ève Scholtès
Un labyrinthe de ruelles pié tonnes, des cours cachées, des boutiques branchées, des galeristes et des antiquaires, des boîtes de nuit… Lipscani n’usurpe pas son surnom : le Petit Paris des Balkans, avec un air un peu plus suranné cependant. Le quartier revit depuis une dizaine d’années seulement, trop peu pour effacer les stigmates du passé.
Mais il souffle un vent de liberté et de légèreté qui le propulse au rang d’incontournable à Bucarest ; et ce, quel que soit votre âge ou votre situation
familiale. Le cœur artistique et créatif de Bucarest bat désormais ici, totalement à l’aise et bien à l’abri dans de vieilles échoppes dont les devantures apparaissent couvertes de graffitis. Les murs défraîchis résonnent du brouhaha des bars et des restaurants. Les bâtiments, longtemps laissés à l’abandon, reçoivent les créations d’une scène théâtrale novatrice et alternative.
Des façades Art Déco
Personne ne donnait cher de la peau du quartier, pourtant. L’ancien cœur économique de la Bucarest médiévale cesse de battre lorsque la Roumanie devient communiste, sous le régime présidé par le couple Ceaușescu. Les façades Art déco, le dédale de ruelles piétonnes, l’effervescence née des activités commerçantes et artisanales s’éteignent brutalement. Lipscani se ternit petit à petit.
Délaissé et méprisé par le pouvoir, son visage se décrépit et son histoire passe aux oubliettes. Le quartier n’est plus que l’ombre de lui-même jusque dans les années 1980 : loqueteux, malfamé et presque voué à la destruction, tandis que les canons du classicisme stalinien imposent leurs marques dans les moindres recoins de la capitale roumaine avec force marbre, béton ou métal. La dictature partie, Lipscani revit, et Bucarest avec lui… La preuve.