par Stella Dubourg
À 2 h 30 seulement de Bordeaux, l’antique cité de Fès garantit un dépaysement total. Inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, la capitale spirituelle du Maroc est riche de traditions séculaires et donne l’impression d’être transporté dans le temps.
« Balek ! Balek ! » Le cri familier des âniers résonne dans les ruelles étroites de la vieille ville. À leur approche, mieux vaut se plaquer contre les murs. Ils apportent des marchandises aux artisans et commerçants de la médina de Fès. Ferrailles, peaux et épices, balles de coton, planches de bois et bonbonnes de gaz tiennent en équilibre précaire sur le dos des bourricots chargés comme des mules. « Fès, c’est la ville par excellence du système D », confie un habitant. Dans les 9 500 ruelles de la médina, considérée comme la plus ancienne et la plus grande du monde arabe avec 265 hectares, la circulation des voitures comme des motos est interdite. Ici, les transports se font encore de manière archaïque, à dos d’âne ou à l’aide de charrettes à bras. La cité médiévale vit encore comme au Moyen Âge et c’est justement ce qui fait son charme.
Une boîte à merveilles
Fès ne se découvre donc qu’à pied et c’est tant mieux. C’est en effet le meilleur moyen d’explorer la médina avec ses petites rues bordées de fruits frais, de monticules d’épices, de tapis berbères et de nombreux autres objets d’art traditionnel. Véritable festival des sens, ce dédale de ruelles et de bazars couverts est rempli à craquer d’innombrables échoppes, de petites tables et d’ateliers d’artisan. L’endroit regorge également de vieilles demeures. On en compte jusqu’à 11 000 sur les 14 000 bâtiments que compte la cité fortifiée.
Dans ce véritable labyrinthe où il est facile de se perdre, la visite à pied permet également de découvrir une abondance d’architecture traditionnelle, de mosaïque zellige et de boiseries peintes et sculptées, de nombreux monuments comme le palais Batha transformé en musée des arts et des traditions marocaines, de fontaines dont la magnifique fontaine Nejjarine datant du XVIIe siècle, de médersas (écoles coraniques) ainsi que de mosquées dont l’emblématique mosquée Karaouyine, la deuxième plus grande mosquée du Maroc et le plus ancien monument islamique de la ville.
Des dinandiers aux tanneurs
La visite de la médina demande du temps afin de s’imprégner de ses différents souks organisés par corporation. Passage obligé par le très animé souk d’El Attarine dédié aux épices et au henné, par la place Seffarine avec ses fabriques de plateaux de cuivre et de bronze travaillés à la main et bien sûr par le quartier coloré des tanneries de cuir de Chouara récemment rénovées et toujours actives. Véritable attraction touristique, le spectacle que l’on peut observer depuis les terrasses des boutiques de cuir mérite que l’on supporte les puissantes et acres effluves. Il faut aussi se rendre aux poteries de Bab Boujloud où les céramiques aux décors bleus de cobalt continuent à être produites dans une cinquantaine d’ateliers.
Si Fès est empreinte d’histoire ancienne et de culture, elle n’est pas pour autant une ville-musée. Loin de là. Des fassi vivent dans cet environnement chargé d’histoire, y travaillent, y gagnent leur pain. On ne compte pas les nombreux boulangers, bouchers, poissonniers ou marchands de primeurs qui y ont leurs étalages et leurs clientèles. Plus de 120 000 personnes, sur les 1,2 millions habitants que compte la ville impériale, vivent ainsi derrière la muraille de 14 km qui entoure la vieille ville. Le reste de la population est installé dans Fès el-Jedid, un secteur qui entoure le palais royal et qui a été édifié au XIIIe siècle par les Mérinides, ou dans la ville nouvelle. Située au sud, cette partie établie par les Français au temps du protectorat, s’étend aujourd’hui dans la plaine environnante. C’est là que tradition et modernité s’entremêlent.