par Thomas Longué
Les sites de Bru na Boinne, Newgrange et Uisneach (Catstone) recèlent la mémoire des premiers occupants de l’île, dans sa partie la moins fréquentée : les Ireland’s ancient east (terres ancestrales)
Ce ne sont certes pas les falaises de Clifden, dans le Connemara, mais le nord-est de l’Irlande n’en est pas moins digne de passion à travers ses monolithes et tumulus (tombes préhistoriques) légués par les premiers occupants de l’île à avoir laissé la marque de leur passage.
Témoins de 5 000 ans d’histoire, les Ireland’s ancient east, territoires de l’Irlande ancestrale, ont aussi pour écrin de verts paysages dont la mer n’est jamais loin. C’est le cas de l’ensemble archéologique de Bru na Boinne (comté de Meath), comportant une quarantaine de tumulus, un site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Le tumulus de Newgrange, où l’on se rend exclusivement par navette depuis le centre d’accueil, est sans doute le plus célèbre site archéologique d’Irlande. Il est connu pour sa tombe à couloir qu’entourent 97 mégalithes gravés de spirales. C’est le siège d’un tombeau unique où, chaque année, le jour du solstice d’hiver (21 décembre), à 8 h 58, un faisceau de lumière pénètre, à travers une imposte, droit dans la chambre tombale ! Cette observation n’a été consignée qu’en 1969, par l’archéologue M.J. O’Kelly.
La précision dans l’orientation de ce mausolée en dit long sur les connaissances astronomiques de ses bâtisseurs. Revenu de sa plongée au fond des âges, le visiteur découvre, au centre de Bru na Boine, ouvert en 1997, une reconstitution grandeur nature d’une maison néolithique et les splendeurs de l’art mégalithique.
Sur la colline de la Sorcière
Dans un autre contexte, les Loughcrew Cairns, montagnettes aux limites du comté de Meath, réunissent en 32 cairns (amas de pierres) le plus grand ensemble sacré antique d’Irlande.
Ce site vieux de 5 200 ans a été découvert en 1863. Mais ce n’est qu’en 1980 qu’un chercheur y a fait la plus curieuse observation, dans le cairn T érigé au point culminant (276 m) de la colline Carnbane dite aussi colline de la Sorcière. À mi-chemin entre les solstices d’hiver et d’été (équinoxe), le soleil du matin pénètre à l’intérieur de la cavité de pierres où il illumine les motifs d’une pierre gravée.
Le cairn T est aujourd’hui le seul ouvert à la visite. On y accède à pied, au terme d’une vingtaine de minutes de marche, depuis la délicieuse ferme tenue de génération en génération par la famille Heaney, reconvertie en halte touristique. Un petit musée domestique y restitue l’Irlande rurale de la fin du XIXe siècle.
Superstition, mysticisme, le peuple néolithique célébrait ses ancêtres, les dieux et la nature, mais la finalité dernière de ses mégalithes et autres tumulus nous demeure un mystère. Toutefois le « caillou » le plus sacré d’Irlande ne doit rien à l’homme. Catstone, Ail Na Mireann en gaélique, classé monument national en 1931, est un énorme rocher fragmenté (37 tonnes) que le retrait glaciaire, il y a 12 000 ans, a laissé là, à Uisneach, en plein centre de l’île, au point qu’on dit du lieu qu’il est le nombril de l’Irlande.
Enfin, on rencontre le rocher de Catstone au terme d’une promenade champêtre de 3 km, tracée à travers la propriété d’un couple de fermiers, David et Angela Clarke, qui exploite ce sanctuaire « trans-civilisations ». Car, pêle-mêle, on y croisera Saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande, qui y a laissé le souvenir de son passage au Ve siècle, et le dieu Dagda, personnage majeur de la mythologie celtique…