Il traverse l’Histoire de l’Espagne sans que rien ni personne parvienne à le déloger. Le Rastro reste le marché en plein air le plus populaire de la capitale espagnole. Il est aussi le plus ancien : ses origines remonteraient au XVe siècle.
Par Ève Scholtès
Le rituel se répète inlassablement. Chaque dimanche et jour férié, à partir de 9 heures et jusqu’à 15 heures, un quartier éphémère sort de terre : le quartier du Rastro, que trois rues délimitent pour dessiner un triangle hétéroclite et vivant. Toledo, Embajadores et Ronda de Toledo constituent les points cardinaux de ce marché en plein air qui doit son nom de Rastro à la trace de sang (« rastro de sangre ») laissée jadis par les animaux traînés depuis l’abattoir jusqu’aux tanneries. Tandis que la plaza de Cascorro reste son cœur névralgique, le lieu étire un dédale tentaculaire jusque dans les rues et les places adjacentes. Ici, chaque chose est à sa place et chaque place a sa chose.
Les vêtements et les accessoires côtoient sans jamais s’y mêler les antiquités, le mobilier vintage et les ventes aux enchères. Chaque zone possède sa spécialité. La calle San Cayetano devient par exemple la calle de los Pintores, ou « rue des
Peintres », pour le théâtre de toiles, aquarelles ou reproductions d’œuvres d’art qu’elle montre.
À voir, à boire et à manger
Mais l’empreinte de ce marché en plein air ne tient pas qu’à ses étals. Certes, leur contenu satisfait toutes les envies, y compris celles qui n’existent pas… Les besoins de la vie quotidienne sont comblés grâce à un simple épluche-légumes vanté par un démonstrateur ambulant. Les rêves des collectionneurs sont exaucés avec un déballage de cartes ou de magazines anciens. La longévité du Rastro, toutefois, s’explique autrement. Par son ambiance, d’abord. Très animée, elle mérite le détour dans ce quartier de La Latina qui affiche son
caractère populaire. Les Madrilènes lui restent fidèles. Les touristes lui trouvent de l’intérêt. Le marché offre sur un plateau la déambulation de personnages typiques. Les marchands de gaufrettes attirent les nez gourmets jusque dans ses filets, tandis que les joueurs d’orgue de Barbarie chatouillent les oreilles des mélomanes tels des joueurs de flûte. Il accompagne enfin la dégustation de tapas, de paella ou de sandwiches de calamar, servis dans l’un des nombreux bars et tavernes situés autour de la rue Ribera de Curtidores. La gastronomie espagnole exprime ici son authenticité, sans modernité ni chichis outranciers. De bric, de broc et de tapas : le Rastro porte sa devise à merveille.