La Lettonie est une belle escapade nordique. Entre la Scandinavie et la Russie, l’ancienne capitale des pays Baltes aujourd’hui européenne est une nouvelle destination touristique.
Séverine Guillemet
Riga, c’est un peu la Bordeaux du Nord. Un beau fleuve et quatre ponts traversent la ville dont le centre est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997. Les deux capitales sont jumelées depuis seize ans. Cette perle sur la Baltique a conservé l’empreinte de son riche passé médiéval et c’est ici que l’on trouve la plus belle concentration d’immeubles Art nouveau en Europe. L’église Saint-Pierre offre un panorama idéal pour comprendre la richesse architecturale de Riga. L’imposante église luthérienne de brique rouge vif vaut le détour pour sa tour clocher et sa vue sur e centre historique (1). Au cœur de la vieille ville, immaculée mais vivante, les Trois Frères, maisons de maîtres du XVe siècle, de type Renaissance néerlandaise, ou la Maison des têtes noires, tranchent dans le décor truffé de dômes dorés des églises orthodoxes et des immeubles Art nouveau du quartier Vecriga, comme la Maison du chat et, plus haut, l’ancien ministère du Travail.
300 immeubles Art déco
Les plus beaux exemples de cette architecture du début du XXe siècle se trouvent à Jugendstil. La ville en compte plus de 300.Les architectes Mikhaïl Eisenstein et Konstantins Peksens y montrent la puissance de la ville portuaire. Sur les trottoirs des très chics rues Alberta, Elizabetes et Antnijas, l’œil s’attarde sur des détails de façade et notre âme s’égare dans la littérature de Stefan Zweig et d’Arthur Schnitzler. Le musée, centre d’Art nouveau de Riga, offre la reconstitution exacte d’un appartement de cette époque, soit le luxe et le raffinement le plus parfait avant que l’Empire russe ne bascule dans la Première Guerre mondiale.
L’influence russe
Traversons la voie ferrée pour le quartier « Moscou », moins bien peigné et plus vivant. En lisière du Maskavas forstate, trône le Marché central, l’un des plus grands marchés d’Europe. Les quatre halles des anciens hangars érigés pour construire les zeppelins allemands durant la Seconde Guerre mondiale valent le coup d’œil. L’ensemble est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. On y trouve un marché « hype » avec 23 corners de cuisine locale et asiatique, un fabuleux marché au poisson (vivant, fumé, caviar…), et deux autres consacrés aux primeurs et à la viande. L’influence russe sur la cuisine lettonne est évidente. À l’extérieur, le marché continue avec des étals proposant à la vente fleurs de saules, brassées de roses, branches de genévrier et feuilles de bouleau pour le sauna, de la ferraille, des tee-shirts à l’effigie de Vladimir Poutine, des manteaux de l’Armée rouge… À deux pas, on tombe sur un héritage russe – la Lettonie, ex-république balte de l’URSS, obtient son indépendance en 1991 –, l’imposante tour « Staline » érigée dans les années 50, réplique de gratte-ciel construits à Moscou et Varsovie. C’est l’Académie des sciences qui occupe aujourd’hui les lieux. Le public peut grimper au 17e étage et contempler de haut la perle de la Baltique (2).
(1) On accède à la tour-clocher par un ascenseur pour 9 euros. Du mardi au dimanche, de 10 à 18 heures. (2) Ouvert tous les jours de 9 à 22 heures. Tarif : 5 euros.
La Lettonie, un pays russophone
La Lettonie est un petit pays de 64 573 km2 sur les bords de la mer Baltique caractérisé par de vastes forêts et des plages immenses. La Lettonie a fait partie des pays Baltes et était russe depuis le XVIIIe siècle, depuis sa conquête par Pierre le Grand aux dépens des Suédois. Elle devient indépendante en 1918 durant la révolution bolchévique. Le territoire letton est envahi par l’URSS en juin 1940 avant d’être occupé par l’Allemagne nazie en juin 1941. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS réoccupe le pays et la Lettonie devient une république socialiste soviétique. Elle retrouvera son indépendance en 1991, comme les deux autres pays Baltes, la Lituanie et l’Estonie. Le pays compte 30 % d’habitants russophones (c’est 50 % à Riga) pour 43 % de Lettons. Deux langues cohabitent : le letton et le russe. L’influence russe reste significative, depuis l’indépendance de la Lettonie il y a vingt huit ans, notamment sur le plan économique. Il existe plusieurs partis pro-russes. Le pays reste très dépendant des approvisionnements en hydrocarbures russes (plus de la moitié du pétrole importé et la totalité du gaz).
Jurmala, Riviera sur la Baltique
Partons pour la Baltique. Depuis la fenêtre du train, au confort et à l’accueil « post-soviétique », la forêt ou les marais à perte de vue défilent. Au printemps, c’est la saison de la récolte de la sève de bouleau (2 euros pour 1,5 l). Le soleil, du fleuve Lielupe jusqu’à la cime des pins, donne une belle lumière argentée. Jurmala a connu son développement balnéaire grâce à l’ouverture de la ligne de chemin de fer au XIXe siècle, une centaine d’années après l’apparition des premiers clubs de natation et de naturisme. Descendons à Majori, direction la plage, qui s’étire magnifique de quartz blanc. L’air est sec, vif, comme l’eau, à 6 degrés début avril. Cette presqu’île a un air de bassin d’Arcachon, avec ses cafés, ses thermes réputés pour ses boues riches en soufre et ses belles résidences. L’architecture dans la forêt, c’est là tout le charme de Jurmala. Les premières villas ont été construites au XIXe siècle en bois de pin et d’épicéa dans le style Art nouveau. Beaucoup de ces délicates « datchas » ont été restaurées, les autres s’arrangent avec la nature du sol marécageux. Elles côtoient des immeubles de style Brutalisme soviétique et des églises en bois. Et, dans les contre-allées, c’est toute l’intelligentsia de la nouvelle et de l’ancienne Lettonie qui défile.
Aller à Jurmala : en train, aller-retour Riga-Jurmala 2,80 €. En voiture, 20 km, droit d’entrée journalier de 2 euros entre le 1er avril et le 30 septembre. À vélo : une piste cyclable longe la voie ferrée. En ferry : liaison entre le 1er mai et le 30 septembre durant 2 h 30 ; départ à 11 h de Riga, retour de Jurmala à 17 h ; tarif : 20 euros.
Les bonnes adresses
Restaurant Kolonade, Musu stasti
Cadre chic et poissons fins au Kolonade, avec vue sur le parc de l’Opéra national, le Monument de la liberté et le canal dans le centre-ville. 26, boulevard Brividas. Plats à partir de 11 euros, large carte de vins. Ouvert tous les jours. http://kolonade.lv
Grand Hôtel Kempinsky
Ce cinq étoiles construit au XIXe siècle abrite, en plus d’une centaine de suites, un restaurant rooftop, un bar et un cigar lounge accessibles au public qui ne manquera pas d’apprécier les codes du luxe à la lettonne. On y raconte que c’est ici que fut servi le premier cocktail de toute l’histoire de l’Union soviétique. Aspazijas bulvāris 22, Centra rajons
Sena Klets
Les Lettons sont très attachés aux danses et costumes traditionnels de leur pays. La boutique du Centre national du costume, au 1, Rattslaukums, permet de découvrir la beauté et les motifs traditionnels des vêtements, bonnets, moufles, jupes, ceintures et bijoux. L’essentiel est tissé main. www.senaklets.lv