À moins de deux heures de Bordeaux, les villes italiennes de Trieste et Trévise sont moins fréquentées que leur voisine Venise et se laissent découvrir en toute sérénité
Stéphanie Fontenoy
Trieste le coeur de l’Europe
Dans la bouche du célèbre écrivain italien Claudio Magris, sa ville natale de Trieste est « la fille naturelle de Vienne et adoptive de Rome ». Située aux confins de l’Italie, coincée entre la mer Adriatique, la Croatie et la Slovénie, Trieste est un condensé d’histoire européenne. Dès l’arrivée sur sa majestueuse piazza Unità d’Italia, la place de l’Unité italienne, le mélange si spécial entre Nord et Sud opère. La place est encadrée par de somptueux édifices de style néoclassique et éclectiques, héritage du long passé de Trieste comme seule entrée maritime de l’Empire austro-hongrois. Au centre, l’imposante fontaine des Quatre-Continents rappelle que nous sommes un peu au centre du monde, ou du moins dans « une région où l’Asie se mue en Europe », comme l’a souligné l’écrivaine galloise Jan Morris. Mais l’âme italienne est bien là. À l’image du très beau Caffèdegli Specchi, le Café des miroirs, qui déploie son immense terrasse avec vue sur les eaux paisibles de l’Adriatique et, au loin, des sommets enneigés des Alpes juliennes. On y déguste un Capo in B, un macchiato servi dans un petit verre, la spécialité locale. Les grains de café sont torréfiés à Trieste, dans la plus pure tradition, par la compagnie Illy, qui y a installé son siège depuis 1933. Le soir, on trinque avec un spritz, cocktail typique de la région à base de prosecco et de Campari. Pour comprendre Trieste, il faut comprendre son histoire. Jules César parlait déjà de « Tergeste », son nom latin, dans « La Guerre des Gaules ». On trouve toujours des vestiges romains, dont un amphithéâtre et un forum sur la colline San Giusto qui domine le centre-ville. La cité est ensuite plutôt d’inspiration byzantine, comme en témoignent les très belles mosaïques du XIIIe siècle qui décorent la cathédrale San Giusto. Trieste, en conflit avec Venise jusqu’au XIVe siècle, s’est placée sous la protection des Habsbourg et de l’empire autrichien. Cette décision a fondé sa prospérité. Puis, mécontents d’être dominés, ses habitants italiens ont désiré ardemment rallier… l’Italie, chose faite en 1921. L’après-Seconde Guerre mondiale a signé un épisode sanglant du destin de la ville, tiraillée entre l’Italie et la Yougoslavie. Ce n’est qu’en 1975 que Trieste a retrouvé la sérénité : le traité d’Osimo a validé son unique appartenance à la Botte. Entre âme slave et effervescence italienne, Trieste séduit par «ce sens de nulle part » décrit par l’écrivaine galloise Jan Morris. De nombreux auteurs ont succombé à ses charmes, comme James Joyce et Italo Svevo, qui se retrouvaient au sein de l’historique Café San Marco, à visiter absolument lors d’un séjour dans la ville.
Les incontournables
Le château de Miramare
Cette demeure impériale a reçu la visite de la fameuse Sissi, impératrice d’Autriche. L’archiduc d’Autriche, Maximilien de Habsbourg-Lorraine (frère de l’empereur François-Joseph, mari de Sissi), imagina ses formes romanes, gothiques et Renaissance, avant de s’y installer avec son épouse Charlotte de Belgique en 1860. L’homme, qui aimait autant la mer que la botanique, a voulu que la bâtisse surplombe le large et soit bordée d’un parc planté de multiples essences méditerranéennes et exotiques, que l’on visite encore aujourd’hui.
Viale Miramare
34151 Trieste
Le Canal Grande
C’est l’escale parfaite pour les belles soirées d’été. Comme dans un décor théâtral, on y admire la belle église serbe orthodoxe Saint Spyridon le Thaumaturge, surnommée l’« église des Slaves », reconnaissable à son dôme bleu, et les élégantes colonnes de la cathédrale catholique Sant’Antonio Nuovo. Le long du canal, les terrasses sont autant d’invitations à la dégustation de spritz, l’apéritif local.
Piazza del Ponterosso
34121 Trieste
L’université du café Illy
La célèbre marque de café Illy a été fondée à Trieste en 1933. Carrefour maritime, le port voit passer 2,5 millions de sacs de café par an, venu de tous les pays producteurs. Trieste est d’ailleurs la ville d’Italie où il se consomme le plus de café par habitant. L’université Illy propose des cours aux étudiants en master, mais aussi aux professionnels de la restauration et aux amateurs d’arabica et de robusta.
Université du café Illy
Via Flavia 110, 34147 Trieste
https://www.illy.com
Trévise, la belle surprise de Vénétie
On surnomme Trévise la « Venise de la terre ferme » pour son union parfaite de l’histoire, de l’art et de l’eau. Rares sont les visiteurs qui prennent le temps de faire une halte dans cette petite cité médiévale, idéalement située sur la plaine du Pô, à 30 km au nord de Venise et à 50 km de Padoue. Parcourue par le fleuve Sile, l’existence y est rythmée par le glouglou des canaux et par les belles balades sous les arcades romantiques et sur les jolies places colorées. La vieille ville est ceinte d’un rempart de 4 kilomètres construit par les Vénitiens au XVIe siècle. Elle est toujours gardée par trois portes monumentales en pierre richement sculptées. À Trévise, tous les chemins mènent à l’impressionnante place des Seigneurs (piazza dei Signori), un ensemble architectural unique à ne pas rater. Les amoureux d’art religieux ne sont pas en reste. Sur la piazza del Duomo, la cathédrale de Saint-Pierre-Apôtre surprend avec sa façade néoclassique datant du XIXe siècle qui cache des oeuvres plus anciennes de la Renaissance vénitienne, dont le célèbre tableau « L’Annonciation » de Titien. Les fans de belles boutiques ne seront pas déçus, car Trévise s’affirme comme une ville pointue en matière de mode. On citera notamment le concept store Lazzari, galerie d’art et boutique de créateurs proposant des labels contemporains pointus venus d’Asie et d’Europe. Enfin, on ne profite pas pleinement de Trévise sans goûter la bonne chère. Après un passage sur l’incontournable marché aux poissons, on s’attable au Piazzetta Bar sur l’adorable piazza Santa Maria dei Battuti. On commande un prosecco, spécialité de cette région du nord de l’Italie. On déguste une bruschetta au prosciutto qui chatouille délicieusement les narines, servi sur un pain mi-grillé mi-moelleux réhaussé d’un filet d’huile d’olive. La région est aussi connue pour la trévise, ou radicchio, sorte de chicorée rouge locale très appréciée, et pour son tiramisu, que l’on retrouve très tôt dans la gastronomie trévisane. Une raison de plus de faire durer l’escale à Trévise.
Les informations utiles
Y aller (Trieste)
Depuis Bordeaux, vol direct vers Venise avec EasyJet (mardi, jeudi et dimanche) et Volotea (jeudi, vendredi et dimanche).
Y aller (Trévise)
Vol direct depuis l’aéroport de Bordeaux par la compagnie Ryanair lundi, mercredi et vendredi.
Devise
L’Italie, faisant partie de l’Union européenne, a adopté l’euro comme monnaie nationale.
Bon à savoir
On peut se baigner depuis un site aménagé situé sur la route nationale en direction de Padoue. On peut s’y prélasser ou s’y restaurer. Le stationnement est gratuit.