Le corail fascine les Ajacciens. Si sa pêche ne fait plus la richesse de la citadelle depuis le XIXe siècle, son mythe résonne jusque dans les murs et dans l’âme de la ville.
Certains signes ne trompent pas. Ceux-là ne sont pas ostentatoires d’autant que la folie de l’or rouge, qui anima pendant deux siècles les quartiers d’Aspretto et du Borgu notamment, a baissé en intensité. Reste cependant le mythe et ses attributs, tels que la « main de corail ». Le bijou, travaillé encore dans quelques ateliers de la ville, s’affiche souvent au cou des nouveaux nés. Le poing fermé, qui arbore un pouce saillant entre le majeur et l’index, éloignerait des jeunes enfants les esprits malveillants et le mauvais œil. Les jeunes mariés bénéficieraient également des pouvoirs et des vertus prodigués par cet hybride maritime à la fois végétal, animal et minéral. Une seule explication à cette prédilection populaire corse : le corail serait un échantillon du sang pétrifié de la mythologique Méduse, l’une des 3 gorgones et la première reine de l’Île de Beauté. Cette origine quasi-divine le place au summum en matière de protection et de symbolique.
Sacré corail
Le culte croise celui de l’Église, lorsque les statues ou les croix se décorent d’une fine chaîne en or agrémentée de la fameuse main protectrice. Le Palais Fesch, musée des Beaux-Arts, donne aussi à voir une peinture de l’Italien Cosme Tura réalisée au XVe siècle : l’enfant Jésus, porté par la Vierge aux côtés d’une sainte martyre et de saint Jérôme, arbore un collier de corail. Mais l’or rouge est aussi présent dans l’espace public. Au-delà des fortifications de la citadelle, U Borgu abrite un immeuble privé : « I Gallarii ». Bâtie au XVIIIe siècle par la famille Montepagano, la villa témoigne de la prospérité passée d’Ajaccio, acquise grâce à la pêche et au commerce de l’or rouge. Sa façade dessine deux enfilades de loggias au numéro 27 de la rue Fesch. L’autre côté de la baie, à Aspretto, laisse découvrir un lazaret qui recevait jusqu’en 1847 les corailleurs au long cours, de retour d’Afrique, pour une quarantaine. À l’entrée de l’édifice, transformé en espace culturel baptisé Lazaret Ollandini, la « main de corail » monumentale signée de Laurent Simonpaoli témoigne de cette révérence des Ajacciens pour l’or rouge. Culte.