Entre Lisbonne et l’Algarve, l’Alentejo recèle des trésors classés au Patrimoine mondial. Le voyage au pays du liège et de la gastronomie commence par Évora, musée à ciel ouvert.
Hélène Rietsch
Incontournable Évora, dans le nord de l’Alentejo, au-delà du Tage, entre la région de Lisbonne et l’Algarve au sud. Moins connue que la capitale portugaise, Porto ou Madère, la ville-musée boxe pourtant dans la catégorie des plus belles cités du Portugal. Depuis trente-quatre ans, elle est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Elle a ouvert la voie à toute une série d’inscriptions dont l’Alentejo s’enorgueillit. « Imaginez et c’est possible. » La formule du guide sonne juste dès le premier coup d’œil. La ville a gardé des vestiges de ses trois occupations majeures – romaine, mauresque et chrétienne. Comme la plus grande cathédrale médiévale du Portugal, sans doute édifiée sur les fondations d’une mosquée (on vous conseille de vous balader sur ses toits qui offrent une vue panoramique imprenable sur la cité blanche), ou encore les vestiges d’un temple romain, le temple de Diane. Les amoureux des azulejos ne seront pas déçus non plus. La petite église Saint-Jean-l’Évangéliste, édifiée au XVe siècle, propriété de la onzième duchesse de Cadaval, abrite les plus grands azulejos du Portugal, atteignant près de 12 mètres de haut.
Une chapelle d’ossements
Le prix de l’originalité est décerné haut la main à la chapelle des Ossements. On la doit à un moine franciscain du XVIe siècle décidé à faire de la place dans les cimetières bondés. Murs et parois, ici tout est édifié en os. 5 000 crânes et tibias vous contemplent. Avec cette devise, affichée à l’entrée : « Nous les os qui sommes ici, attendons les vôtres. » Réjouissant… Évora et ses chemins de traverse finissent toujours par vous mener sur la place Giraldo (praça do Giraldo), où tout le monde se retrouve sous les arcades ou au pied d’une fontaine en marbre typique d’Estremoz. C’était la ville des rois qui, dès la fin du XIIe siècle, y appréciaient son bon air et son soleil. Aujourd’hui, ville reine de l’Alentejo, elle fourmille de bonnes tables où l’on déguste des plats de la gastronomie régionale (lire ci-contre). « Évora, Évora, je te retrouverai, c’est sûr. » Les mots de Stromae, dédiés à Cesária, lui vont si bien, elle qui se rêve capitale européenne de la culture en 2027.
Inscrites au patrimoine
En attendant, deux autres villes voisines, à l’est, ont décroché le précieux label décerné par l’Unesco. Estremoz a été classée en 2017, pour ses figurines en argile, les bonecos. Maria et Perpetua Flores façonnent ces poupées traditionnelles (scènes religieuses ou figures populaires), avant de les cuire (durant douze heures au minimum) et de les peindre à froid. L’idéal est d’aller visiter l’atelier hospitalier d’Irmãs Flores, le samedi, pour profiter en même temps du marché hebdomadaire. Le touriste y est rare, mais l’ambiance typiquement locale. On y trouve victuailles de saison, charcuteries et fromages typiques, ainsi qu’une brocante qui tient de la caverne d’Ali Baba. Plus à l’est encore, à 16 kilomètres de la frontière, Elvas, inscrite au Patrimoine mondial depuis 2012, possède un aqueduc monumental de 7 kilomètres de long, le plus grand de la péninsule ibérique, et le fort Notre-Dame-de-Grâce. À 3 kilomètres de la place forte d’Elvas, sa visite vaut le détour. Elle témoigne de l’histoire militaire du pays, mais aussi de son histoire politique. Jusqu’en 1989, le fort a servi de prison. Les soldats et les prisonniers y ont laissé des dessins souvenirs à foison
Le paradis du chêne-liège
L’Alentejo est le pays du chêne-liège par excellence. Des arbres d’une grande beauté aussi présents dans le paysage que les oliviers ou les vignes. Évora abrite Cortiçarte, une entreprise qui transforme le liège, ouverte aux visites avec une boutique bien achalandée dans le parc industriel d’Évora. On vous la conseille. On y voit comment le liège est aplati et transformé. C’est une bonne façon de découvrir aussi l’art de la patience. Le liège ne se récolte pas avant que l’arbre n’ait atteint 30 ans, et il faut neuf ans entre chaque récolte, sachant qu’un arbre peut vivre 350 ans… Ces chênes nourrissent tout un écosystème. À commencer par les porcs noirs, à la chair si prisée, qui raffolent de leurs glands. Ils permettent ensuite de fabriquer le fameux liège, bouchon de bouteille de vin, mobilier ou textile. Et parce qu’il conserve la fraîcheur et la chaleur, le liège sert même d’isolant pour la Nasa.
Les incontournables
Serpa et Monsaraz
Serpa, dans le sud de l’Alentejo, est encore une ville blanche entourée de remparts. Si on a de la chance, on peut y écouter certains jours des chants polyphoniques traditionnels, classés au Patrimoine immatériel de l’humanité. Les moments sont rares, le cante alentejano étant pratiqué par des chorales d’amateurs. À voir aussi, le musée de l’Horloge, proposant des visites en français passionnantes. Enfin, il serait dommage de ne pas s’arrêter à Monsaraz, à l’est, petite ville fortifiée en pierre blanche, dédiée à l’artisanat, et notamment aux couvertures tissées.
Les terres fertiles de Beja
Cap au sud à 25 kilomètres de Beja, dans le bas Alentejo, sur le balcon de Castro Verde, réserve de biosphère reconnue par l’Unesco. Ici, on croise plus de cigognes que d’habitants en automne. Le paysage renvoie à une autre histoire du Portugal, l’époque où Salazar avait décidé d’en faire le grenier à blé du pays. Les domaines s’étalent sur des milliers d’hectares. La Vila Galé (www.vilagale.com), complexe hôtelier posé sur 1 600 hectares, a inauguré fin 2019 la cave de Santa Vitoria, consacrée à l’huile d’olive. Un point de départ idéal pour sillonner le sud de la région.