Poser ses bagages dans la Belle Province, c’est entrer dans un monde de diversité. D’une rue ou d’une saison à l’autre, le voyage peut prendre une saveur toute différente.
Sébastien Hervier
Au départ, c’était une simple histoire d’« Anglos » et de « Francos » s’envoyant des noms d’oiseaux à la figure. « Maintenant, il y a tellement de communautés différentes ici qu’il serait difficile de crier des insultes à tout le monde. Alors les Montréalais vivent dans la plus totale harmonie… » Cette vision, à dessein, est forcément un peu naïve. Héros des BD de l’auteur québécois Michel Rabagliati (1), Paul pose toutefois en quelques mots les bases de la réalité montréalaise.
La ville sous terre, un mythe
Ce qui frappe en débarquant sur cette île coincée entre le fleuve Saint-Laurent et la Rivière des Prairies, c’est justement la richesse de ces communautés. Toutes ces cultures entremêlées depuis plusieurs décennies, sur un fond de français, ont créé le plus bel éventail d’accents dans notre langue. Le français se décline à la sauce québécoise, bien sûr – n’oubliez jamais qu’ici, c’est vous qui avez un accent -, mais aussi haïtienne, asiatique ou sud-américaine. Évacuons tout de suite les clichés. Non, les Montréalais ne vivent pas quelques pieds sous terre, même pas en hiver. La « ville souterraine » n’est qu’un mythe. Il existe bien un réseau de centres commerciaux reliés aux stations de métro du centre-ville, mais le shopping est sa seule raison d’être. Un peu comme si le centre bordelais Mériadeck s’étalait sur quatre fois la surface de la place des Quinconces.
Le cœur de Montréal bat à l’air libre, tout au long du boulevard Saint-Laurent. La Main, comme l’appelle parfois les Québécois (en référence à Main Street, en anglais), irrigue la métropole du sud au nord, prenant un aspect différent dans chaque quartier qu’elle traverse. C’est autour de cet axe majeur que l’on peut repérer les vagues d’immigrations successives qui ont contribué à construire l’identité de la ville : Asiatiques, Portugais, Italiens, Indiens, etc. A l’ouest de cette frontière imaginaire, la population est principalement anglophone.
Un petit goût d’Europe
Avant de se jeter dans cette artère emblématique, un arrêt au musée Pointe-à-Callière, près du Vieux-Port, permet de plonger dans l’histoire de la ville et de la province. Construit sur les premières fondations de Montréal, le musée est un excellent point de départ pour comprendre les racines francophones de ce bout d’Amérique. A deux pas, le Vieux-Montréal et ses rues pavées laissent s’échapper un petit goût d’Europe. Dommage, le quartier est saturé de restaurants touristiques et de magasins de souvenirs en tout point identiques. C’est en déambulant quelques rues plus au nord, au cœur du « downtown », que l’on tombe sur une des curiosités de la cité : le quartier des spectacles, rafraîchi ces dernières années, est un espace unique au sein d’une métropole de plus de trois millions d’habitants. La place des festivals est capable d’accueillir d’énormes concerts, notamment lors des FrancoFolies ou du Festival de Jazz. Ben Harper, Ray Charles ou encore Stevie Wonder s’y sont produits devant des dizaines de milliers de spectateurs, pour des shows gratuits. En hiver, grande roue et piste de luge prennent d’assaut ce lieu de vie exceptionnel lors du festival Montréal en lumière.
Le boulevard Saint-Laurent s’extirpe ensuite du centre-ville pour parcourir divers quartiers très appréciés des Montréalais : le Plateau Mont-Royal, le Mile-End, Rosemont ou encore Villeray. Articulés autour d’artères commerciales très vivantes comme l’Avenue Mont-Royal, Beaubien ou Jean-Talon, ils offrent des kilomètres de rues bordées d’arbres et de petits immeubles avec leurs escaliers extérieurs typiques. Sans oublier les grands parcs urbains, comme La Fontaine ou Jarry. Dans la Petite-Italie, le marché Jean-Talon est un incontournable pour faire quelques réserves de produits locaux, du sirop d’érable au cidre de glace.
Astéroïde et bélugas
Si la métropole a grandi autour du boulevard Saint-Laurent, c’est autour du fleuve du même nom que le Québec s’est développé. Impossible de venir à Montréal sans se lancer dans une excursion de quelques jours sur ses rives. Première escale, Québec, capitale de la Belle Province. Adorée des touristes américains pour son architecture très « vieille Europe », la ville fondée par le Charentais-Maritime Samuel de Champlain peut se visiter en quelques heures. Depuis la terrasse Dufferin, au pied du Château Frontenac, la vue sur le Saint-Laurent et l’île d’Orléans est superbe.
Longeant la rive nord du fleuve, la route 138 passe à proximité des chutes de Montmorency, hautes de 83 mètres, à quelques minutes de Québec. Elle nous emmène ensuite dans le Charlevoix, région chérie des Québécois où les paysages côtiers partagent la vedette avec les reliefs créés notamment par un astéroïde il y a plus de 300 millions d’années. Le cratère, immense, est visible depuis les sommets du parc naturel des Grands-Jardins, pourvu de balades magnifiques. Encore un peu plus au Nord, là où le Saint-Laurent atteint 70 kilomètres de large, la ville de Tadoussac se dresse de l’autre côté du fjord du Saguenay. Pour préserver la beauté des lieux, aucun pont n’a été construit. Sur le traversier gratuit qui assure la liaison, il n’est pas rare d’apercevoir des bélugas. Une mise en bouche avant la rencontre avec les baleines du grand fleuve (voir par ailleurs).
NOTES : (1) Éditions La Pastèque