Thomas Longué
Le fameux canal est plus que jamais la première attraction touristique de Panama, en l’année de son centenaire. A Panamà City, la capitale, le quartier historique du Casco Antiguo vit une résurrection
A Miraflores, pour le touriste inévitablement coiffé de son blanc Montecristi (lire ci-contre), le lent et majestueux spectacle de l’entrée en transit des bateaux dans le canal de Panama – la traversée de 80 km jusqu’à l’Atlantique dure ordinairement 9 heures – se contemple depuis le restaurant panoramique, réputé à juste titre pour ses fruits de mer. De là-haut, les minuscules locos qui halent symétriquement les plus gros bateaux, ne payent pas plus de mine que les motrices de nos petits trains d’altitude d’Artouste ou de La Rhune.
Passera, passera pas… Sur le site des écluses de l’entrée « Pacifique » du canal, le simulateur ludique du Centre de visiteurs (1) vous installe aux commandes, dans la peau du pilote d’un porte-containers. Dans la réalité, les monstres transocéaniques peuvent n’avoir eux-mêmes que quelques centimètres de marge de manoeuvre, entre les parois maçonnées du premier sas long de 300 mètres.
100 ans de servitude
Ainsi donc le canal, principale activité industrielle de Panama est aussi sa principale attraction touristique. Il est en outre la première destination mondiale des croisières. Le pays, moins de deux fois plus grand que l’Aquitaine et guère plus peuplé qu’elle, voit passer 14 000 bateaux par an, des voiliers de plaisance aux géants de type Panamax (2).
Or comme la Grande Guerre, le canal de Panama a 100 ans. Les dates du centenaire sont rappelées en chiffres immenses sur le grand bâtiment de la société d’exploitation du canal (8000 employés), passée sous pleine souveraineté panaméenne depuis 1999.
C’est même à onze jours d’intervalle que se jouèrent les deux événements planétaires : alors qu’en trait d’union entre les hommes le canal tirait un formidable raccourci entre les océans – les navigateurs en rêvaient depuis Charles Quint – l’Europe s’engouffrait dans la pire boucherie de l’histoire humaine.
Le Centre de visiteurs de Miraflores est aussi lieu de mémoire ; il révèle que plus de 25 000 ouvriers de 54 nationalités sont morts, de malaria surtout, sur l’un des plus grands chantiers d’ingénierie de tous les temps.
Préférant « se tourner vers l’avenir », comme ils disent, les guides touristiques révèlent au cours de la visite consacrée au canal qu’un troisième jeu d’écluses, plus longues et plus profondes, permettra le franchissement de l’isthme à des bateaux hors-gabarit, d’ici 2016.
Panama city : la résurrection du Casco antiguo
Depuis Miraflores, on retourne à Panama city en moins d’une demi-heure. Dans la fameuse baie intégrant visuellement le grand port de Balboa, le plus grand du monde après Singapour, à l’embouchure du canal, la capitale se hérisse d’une immense barre de gratte-ciel. L’affichage de l’opulence à l’américaine contraste furieusement avec les immeubles lépreux du quartier San Miguel, dans les faubourgs de Panama City.
C’est sur ce front de mer que se concentrent les hôtels de luxe, la vie économique, administrative et nocturne de la capitale. Bien que, depuis son classement au patrimoine mondial de l’Unesco (2007), le Casco Antiguo, le vieux quartier, aux façades de style colonial et à la douceur de vivre très latino, a les faveurs de tous les touristes quel que soit leur budget.
Aussi, une frénésie bâtisseuse s’est-elle emparée de ce quartier naguère abandonné aux plus pauvres, et à leurs favelas, qui n’y ont du reste pas complètement disparu dans les rues adjacentes.
Il est stupéfiant de voir le Casco Antiguo, que signent aussi de place en place des édifices du baroque – ou leurs vestiges comme ceux de l’ancien collège des jésuites -, se reconstruire à l’identique de ce qu’il fut. Sur l’emplacement de la cité historique s’orchestre le retour aux sources, des temps où le canal n’était qu’un rêve…
(1) Tarif adultes : 15 $ US l’entrée
(2) Dimensions maximales autorisées : 294 m de longueur, 32 m de large et un tirant d’eau de 12 m