Le nord de l’île offre un terrain de jeu montagneux où les alizés font pousser une végétation luxuriante
Odile Faure
Des perches à neige sont plantées le long de la route qui monte au volcan du Teide alors que la température dépasse les 15 degrés. Le tableau peut surprendre. Pourtant, si les flocons sont rares sur l’île de Ténérife, l’île canarienne est une vraie montagnarde. Et, comme toute belle escarpée, il faut parfois se méfier. Le pic du Teide culmine en effet à 3 718 mètres, laissant 400 mètres plus bas le pic d’Aneto, sommet le plus élevé des Pyrénées. Le vent peut amener son lot de nuages et de froid et baigner le sommet d’un épais brouillard. Les écarts de températures sont notoires et il vaut mieux prévoir couvre-chef et coupe-vent avant de s’aventurer sur ses pentes. Formée il y a 12 millions d’années, Ténérife est l’une des sept îles de l’archipel des Canaries, située à 350 kilomètres de la côte africaine. De formation volcanique, large de 2 034 km (plus petite que la Corse), elle présente des vallées encaissées, creusées par les coulées de lave. Basalte, trachytes et phonolites (roches volcaniques) composent son sol et dessinent sa côte déchiquetée, parsemée de plages de sable noir ou blanc. Ici,tout est en pente. La vigne s’y déploie en hauteur sur des terrasses et la banane, fruit numéro un de l’île, est cultivée près de la côte. Cette île en forme de canard est peuplée de 900 000 Canariens qui vivent essentiellement del’agriculture et du tourisme. On en compte 5 millions par an, dont 1,9 million de Britanniques. Ils y viennent toute l’année quelles que soient les saisons. Les touristes du nord de l’Europe diminuent au profit des Français qui cherchent à Tenerife un climat tempéré, des activités de pleine nature et le dépaysement.
Le pin, un réservoir d’eau
Ténérife abrite une grande diversité de paysages et de climats. Les scientifiques lui attribuent six écosystèmes différents. En une heure, le voyageur peut passer d’un paysage aride, subtropical et, au détour d’un lacet, traverser une forêt de pins humide couverte d’usnée (mousse). La pinède joue d’ailleurs un rôle prépondérant dans l’île. En 1975, les Canariens prennent conscience de la richesse de leur forêt qui pousse entre 1 000 et 2 000 mètres d’altitude. Réputé pour son bois très solide à la croissance lente et résistant au feu, le Pinus canariensis est utilisé notamment pour les balcons, fenêtres,volets et parquets. La disparition progressive de la pinède démarrée au XVe siècle entraîne une pénurie d’eau. L’humidité est captée par les longues aiguilles de pin (jusqu’à 30 centimètres de long !) qui, de goutte à goutte en goutte-à-goutte, forment des poches d’eau, réserve indispensable pour la vie de l’île. Aujourd’hui, ces milliers de poches d’eau sont acheminées pour les besoins quotidiens par les 1 700 kilomètres de galeries et les 500 puits de l’île. Depuis vingt ans, un système de dessalement de l’eau de mer a été également mis en place. À Ténérife, la nature luxuriante fait la part belle aux différentes espèces d’euphorbes, aux tulipiers, aux flamboyants et aux dragonniers (arbres), symboles de l’île. Un spécimen, âgé de 900 ans,est conservé dans la ville d’Icod et fait l’objet de toutes les attentions en tant que plus vieux dragonnier du monde. Cet arbre en forme de parasola une résine rouge que les anciens voyaient comme le sang du dragon. Peuplée à l’origine de Guanches, une peuplade proche des Berbères, l’île de Ténérife, comme toutes les îles de l’archipel canarien, est rattachée à l’Espagne depuis 1495. On y parle l’espagnol mais sans prononcer le « s ». Les Canaries font partie des 17 communautés autonomes espagnoles. Santa Cruz de Ténérife et Las Palmas de Grande Canarie endossent, tour à tour, pour quatre ans, le rôle de capitale. Mais c’est dans la capitale historique San Cristobal de La Laguna qu’il faut s’attarder. C’est là que se joue chaque année le troisième plus gros carnaval du monde après Rio et Venise. Fondée en 1496, elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1999. Quadrillée par des rues piétonnes, bordées de maisons à un étage, ornées de façades colorées où se mêlent la pierre et le bois, elle cache de multiples cours intérieures. Elle accueille aussi une grande université. Un air d’Amérique latine se dégage de cette grosse bourgade. À La Laguna, on cultive l’art de vivre. Étudiants, commerçants, familles et touristes se mélangent et se croisent au marché couvert, où l’abondance des produits issus de la terre saute aux yeux. Les animaux vivants y sont encore vendus tandis que les étals débordent de produits exotiques. Ténérife l’abondante sait cultiver son jardin d’Eden. Ceux qui en cueillent les fruits en deviennent vite dépendants.
Le Teide : de la mer à la Lune
Les cinq routes d’accès au volcan du Teide font passer du niveau de la mer à… la Lune. Un paysage pelé où les vents peuvent atteindre 120 km/h vous attend, couleur tantôt sable, tantôt ocre. Inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité depuis 2007, le pic du Teide (3 717 mètres) se détache dans le ciel azur quand ce n’est pas le brouillard qui l’enserre. C’est le rendez-vous incontournable des touristes de l’île mais aussi des randonneurs. Une marche de quatre heures permet d’accéder au sommet par beau temps. Le téléphérique, construit en 1974, rallie en huit minutes seulement une gare située à 200 mètres sous le sommet. Il faut au préalable avoir obtenu un permis pour pouvoir atteindre le Graal. Les cyclistes professionnels sont également devenus adeptes de ce lieu montagneux où les routes sont praticables en hiver et où l’altitude favorise la production de globules rouges.
15 000 visiteurs par jour
Le Teide s’est formé il y a 70 000 ans bien après l’apparition de l’île elle-même née de trois îlots volcaniques sortis des fonds marins. Un volcan était alors apparu. Aujourd’hui, celui-ci a disparu mais il reste ses vieilles cheminées ocre qui font le bonheur des visiteurs. Car le Teide n’est pas seulement le pic. Il s’intègre dans un parc national de 22 000 hectares créé en 1954, qui fait partie des quatre parcs nationaux des Canaries. Le parc propose une variété de roches sur l’immense caldeira où l’on peut cheminer en toute sécurité. Un hôtel-restaurant de luxe, Le Parador, permet de faire une halte roborative comme le font les champions de vélo ou les présidents étrangers. Le Teide reçoit 15 000 visiteurs par jour et 3,6 millions à l’année. Il est géré par un consortium d’actionnaires et la région Canaries. Un portail Interneta été créé, baptisée « Volcanoteide », qui recense les activités de loisirs possibles sur place. L’immense site accueille aussi des programmes de recherches en astrophysique, menées notamment par des chercheurs français du CNRS. Le centre international, basé à 2 450 mètres d’altitude,peut être visité sur réservation.
Internet : volcanoteide.com
Les incontournables
Le domaine Bodega Monje
La bodega Monje est un domaine viticole qui surplombe l’océan entre La Laguna et Puerto del Cruz. Ces 15 hectares de vigne, entre 450 et 600 mètres d’altitude, sont plantés en terrasse sur la montagne. L’exploitation est détenue par la famille Monje depuis cinq générations, perpétuant la tradition vigneronne de l’île. Les visiteurs y sont les bienvenus pour découvrir les installations et profiter de la vue qui s’étire entre ceps et océan. Le domaine Monje propose un vin blanc à base de listan blanco, un rouge de cépage listan negro ou rosé, du pétillant, du muscat, du porto et même du vinaigre, le tout vieilli en fûts de chêne ou dans des cuves eninox. De nombreux événements culturels s’ydéroulent. La table est de grande qualité, avec comme spécialité le cochon noir.
Internet : bodegasmonje.com
Le scarabée de Santa Cruz
L’auditorium de Santa Cruz rappelle l’opéra de Sydney par sa blancheur et sa forme originale. Construit en septembre 2003 par Santiago Calatrava, connu en France pour la réalisation de la gare TGV de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, l’édifice de Santa Cruz, tout en courbes et pointes, ressemble à un gros scarabée blanc. Il abrite des arches de 170 mètres de hauteur,sans support. Disposé au bord de l’océan, l’auditorium est un lieu culturel consacré à la danse, le théâtre et l’opéra.
La forêt primaire de Cruz del Carmen
La réserve de biosphère du massif d’Anaga, au-dessus de La Laguna, abrite le nombre d’espèces endémiques le plus élevé d’Europe. Avec son voile brumeux et les lichens abondants, la forêt de Cruz del Carmen plonge le promeneur dans le pays des elfes. La lumière baisse sensiblement dans cette forêt préservée grâce aux alizés. Genêts, lauriers, usnées (ou lichens) voisinent avec des bruyères de 20 mètres de hauteur et peuplent cette laurisylve ou monteverde typique des îles Canaries. Un cheminement piéton permet de ne pas se perdre et de ne pas abîmer la forêt.
Le site de Masca
Masca est un petit village perché du massif d’Anaga, tout en pierres et en escaliers au coeur d’une nature abondante. Accroché à la pente, il vit fort bien son aspect de site-musée et un sentier aménagé permet d’en faire le tour. Marchand de fruits typiques, représentation d’une habitante en habit de Guanche, tout est fait pour charmer le visiteur, souvent étranger. Mais c’est surtout le paysage et l’ambiance escarpée du lieu qui en font tout le charme.
Les informations utiles
Y aller
Depuis Bordeaux, vol direct avec la compagnie EasyJet (mercredi et dimanche) et Volotea (samedi et dimanche).
Météo
L’île est l’un des endroits les plus ensoleillés du monde en nombre de jours. Les températures oscillent entre 15 et 24°C.
Devise
C’est l’euro qui a cours sur les îles Canaries. Les cartes bancaires sont le moyen le plus simple de régler vos dépenses.
Formalités
Il suffit d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité pour séjourner aux ïles Canaries.
Bon à savoir
Il existe un téléphérique pour atteindre le sommet du Teide. Pensez à vous habiller chaudement car il peut faire très froid, là-haut dans les nuages.
Bons plans
Pour les noctambules, la station balnéaire de Las Americas est le spot idéal avec ses pubs, ses discothèques, ses bars en bord de mer ou ses clubs de jazz plus calmes.
Se déplacer
Ténérife possède un réseau de transports en commun efficace. Un bus s’appelle une guagua (prononcez “goua-goua”). Mais attention, la fréquence est très variable entre la semaine et le week-end. Louer une voiture est donc fortement conseillé.