Un siècle après le passage de Lawrence d’Arabie, cette curieuse enfilade de canyons et de dunes rouges est devenu le repaire caché de nombreux alpinistes et randonneurs.
C’est une curieuse sensation que de remonter à la surface de la Terre pour s’endormir aussitôt ou presque sur celle la lune. Six fois plus petit que la France, le royaume de Jordanie offre ainsi à ses visiteurs le rare privilège de transhumer dans la même journée par l’altitude négative de la mer Morte (- 400 mètres) jusqu’aux plus hauts djebels du Wadi Rum (1850 m). Comme dans un miroir à peine déformant, le lever de l’Astre de nuit vaut alors ici bien des couchers de soleil. Au terme de cette « Route du Roi » (1) aussi majestueuse que tortueuse, c’est par l’entrée des artistes que l’on pénètre ici le rouge désert surtout connu des amateurs du genre. Pas plus de 70 km de long mais un charme à ce point fascinant que même le voisin Saoudien – pourtant gâté en paysages arides – franchit en nombre la frontière pour le traverser. Sanctuaire des tribus bédouines protégé et classé il y a seulement trois ans à l’Unesco, le Wadi Rum doit pourtant sa renaissance à quelques exotiques montagnards britanniques venus jouer du piolet au milieu des années 80. Lointains héritiers des chasseurs traquant l’oryx par 40 degrés à l’ombre et le double de pente, ceux-là ont depuis rouvert plus de 300 voies à travers les innombrables pics, canyons et falaises jalonnant abruptement le décor. Désormais courue par tout le beau monde de la varappe, la destination n’en reste pas moins étonnante aux bizuts. Car s’il vous rappellera une carte postale d’Arizona comme les dunes du Sahara, le Wadi Rum ne ressemble à aucun désert en même temps qu’à tous les autres.
Fleurs et dromadaires
Comment d’ailleurs imaginer que cette terre a priori brûlée laisse chaque printemps éclore quelque 2000 espèces de fleurs et de plantes ? Improbable parterre que les 4×4, quoique que toujours plus nombreux, épargnent encore par la grâce d’un éco-tourisme savamment encadré par la police. Au-delà du véhicule tout terrain indispensable aux longs périples journaliers, c’est de toute façon au rythme du dromadaire que le Wadi Rum se parcourt encore le mieux de bivouac en bivouac. Toute caricature mise à part, la méharée permet également aux plus rêveurs d’endosser le costume et le rôle du fantomatique maître des lieux. Juché sur sa monture à la tête de tribus arabes fédérées pour chasser les Turcs, c’est ici, en 1918, qu’un certain Lawrence d’Arabie avait le premier révélé au monde la beauté du désert jordanien. Evoquant ses soldats, le ténébreux lieutenant britannique écrivit plus tard que ceux-là avançaient « craignant de faire étalage de leur insignifiance en présence de ces formations colossales ». Une étonnante roche porte depuis le nom de son récit autobiographique, « Les sept piliers de la sagesse ».
Peter O’Toole, glorieux avatar de Lawrence d’Arabie à l’écran, y tourna d’ailleurs en 1962 quelques unes des plus fameuses scènes du film éponyme. Semi-nomades ou bien définitivement sédentarisés, les bédouins Zalabieh ne manquent pas aujourd’hui d’en rappeler le souvenir aux pèlerins de passage. Délaissant leurs troupeaux de chèvres pour un business que l’on ne saurait leur reprocher, la plupart vous conteront aussi combien 120 siècles de vie et de survie se sont acclimatés à leur terre hostile. Parmi les grottes du Wadi Rum, des milliers d’inscriptions et de pétroglyphes nabatéens en témoignent encore. Profitez-en avant qu’un grain de sable trop touristique ne grippe cette machine à remonter le temps.
(1)
- A 2 heures de route de Pétra, 5h d’Amman.
- L’entrée de la zone réglementée coûte 5 JD pour toute la durée du séjour, payable au Visitor’s Center marquant l’entrée du désert. Vous y trouverez toutes les possibilités d’excursion de courte (2h) ou longues durée (plusieurs jours), en Jeep, à pied et à dromadaire.
Tel : 209-06-00
Internet : www.wadirum.jo - Sanctuaire des tribus bédouines protégé et classé il y a seulement trois ans à l’Unesco, le Wadi Rum doit pourtant sa renaissance à quelques exotiques montagnards britanniques venus jouer du piolet au milieu des années 80