L e truc avec les rituels, c’est qu’on ne sait plus trop où, quand et comment on les adopte. Rien n’y fait toutefois : on ne peut pas s’en débarrasser, tant ils font partie d’une intimité qui oscille entre la culpabilité de céder à la tentation et le plaisir d’y répondre. L’apéro, à Marseille, fait écho à cette habitude à la fois sacrée et fatale. Avec cette distinction : le rituel, consommé avec ou sans alcool, est partagé par près d’un million de personnes. La liturgie est assez simple. Elle respecte un seul protocole : on ne reste pas seul lorsque l’heure est venue. L’apéro marseillais se partage en famille, entre amis de longue ou de fraîche date, en couple. L’aventure est collective, solidement ancrée autour des valeurs si chères à la culture de la cité phocéenne : partage, échange et convivialité.
Il est encore possible de consommer l’emblématique duo pastis-olives. Ou peutêtre oserez-vous vérifier l’arithmétique du Picon-citron-curaçao, immortalisé dans le premier volet de « La Trilogie marseillaise » filmée par Marcel Pagnol, avec Raimu dans le rôle d’un Marius appliqué derrière son comptoir dans un bar du Vieux-Port. Soyez toutefois assuré d’une chose : l’apéro marseillais résout le débat du fond et de la forme. Il reste un moment sacré, quelle que soit son expression. Et c’est bien là l’essentiel.