par Claude Petit
Il a fallu plusieurs millions d’années à la nature pour façonner un tel paysage…et il faudra bien des efforts au voyageur pour avoir le plaisir de l’admirer
Nées il y a 160 millions d’années lors de la séparation de la plaque africaine, les Tsingy constituent une véritable cathédrale de calcaire (avec d’étroits passages, appelés diaclases). La partie ouest de l’île est restée des dizaines de millions d’années sous l’océan. Sur la roche se sont constituées des formations coralliennes et déposés des fragments de coquilles et d’animaux marins, formant autant de couches calcaires successives. Lors de glissements tectoniques, cette partie de l’île est remontée au dessus de la surface de l’océan. L’érosion et les pluies acides ont fait le reste, sculptant une dentelle de strates rocheuses acérées et de véritables labyrinthes de grottes.
Le Parc national de Bemaraha (15 000 hectares) abrite les plus grandes de ces formations karstiques ‒ classées depuis 1990 au Patrimoine mondial de l’Unesco ‒ et offre un paysage sublime d’aiguilles de roches. Mais ce spectacle ne se dévoile qu’aux voyageurs aventureux, et encore… avant que la saison des pluies ne rende le lieu inaccessible, soit pendant six mois de l’année.
Escalade sportive
Le long périple des touristes démarre depuis la RN7, par plusieurs jours de pistes difficiles, même en 4X4. Il faut ensuite traverser sur des bacs de fortunes les eaux parfois agitées du fleuve Tsiribihina (l’arrivée ne se fait pas forcément à l’embarcadère et il n’est pas rare que le bac s’échoue sur les manguiers qui bordent la rive) ; puis remonter vers le nord jusqu’au Manambolo, un autre fleuve qui peut se révéler encore plus tumultueux quand les pluies commencent à gonfler ses eaux, et l’emprunter jusqu’à Bekopaka. Là, une piste, en plus mauvais état encore, mène les touristes jusqu’au pied de la cathédrale de pierre. Les voilà désormais sur le territoire de la tribu des Sakalava.
Leur connaissance de ce véritable dédale de pierre en fait les guides officiels du parc. Et leur présence s’avère obligatoire, que ce soit pour déjouer les pièges de l’ascension et ne pas se perdre dans les labyrinthes de grottes (elles servirent d’abri au « vazimba », les premiers occupants de l’île), ou maintenir à distance les mangoustes attirées par les provisions des randonneurs ou encore les scorpions des Tsingy (la seule espèce mortelle de l’île). Équipé d’un baudrier qui lui permettra de franchir les passages les plus difficiles, le touriste se verra entraîner par son guide dans une escalade sportive (de 2 à 7 heures en fonction du circuit), qui, même si elle n’est pas technique, requiert tout de même une bonne condition physique. Tel est le prix à payer pour admirer la splendeur de ces paysages uniques. De ponts de singe en escaliers de pierre, chacun accédera aux belvédères d’où la vue coupe le souffle, avant de redescendre dans les boyaux des grottes observer les concrétions qui s’y sont formées et découvrir une flore qui, dans des conditions extrêmes, réussit pourtant à se développer.