La région a longtemps été connue à travers les conquistadores, qui ont porté le nom de leurs villes natales en Amérique. Aujourd’hui, l’Estrémadure est l’une des terres d’Europe où l’on peut se retrouver dans une nature préservée, un théâtre romain, et sous des cieux immenses
Par Emmanuelle Fère
Quiconque a vu les cieux d’Estrémadure sait pourquoi elle est la patrie des grands voyageurs et des découvreurs, la terre de départ des conquistadores. Dans cette communauté autonome peu connue, qui voisine avec le Portugal (ouest), l’Andalousie (sud), et les deux Castilles (León au nord, la Manche à l’est), le ciel, incommensurable et lumineux, est un aller simple vers l’horizon. Même son nom dit la possibilité d’un ailleurs : « Estrémadure » désignait les terres situées à l’extrémité du royaume. La terre natale des découvreurs peut se
parcourir comme une carte au trésor des conquistadores. Ainsi, à Jerez de los Caballeros, la maison de Vasco Núñez de Balboa, premier Européen à accéder à l’océan Pacifique depuis sa côte orientale, en 1513, est désormais un centre d’interprétation de son époque. Il en est de même, à Trujillo, pour la demeure de Pizarro, dont la statue équestre se dresse sur la plaza Mayor. À Medellín, village natal du conquérant de l’Empire aztèque, la statue d’Hernán Cortés voisine avec les vestiges d’un théâtre et d’un pont d’époque romaine.
Les découvreurs n’oublièrent pas leur pays. Ils donnèrent aux lointaines contrées le nom de leurs villes : Trujillo, Guadalupe. Cette dernière est à la fois l’origine et le terme des expéditions en Amérique. Christophe Colomb y évoqua, avec les Rois Catholiques, le financement de son voyage.
Et, à son retour, les premiers Indiens qui touchèrent le sol ibérique y furent baptisés.
Chasseurs de nébuleuses planétaires
« L’Estrémadure est la grande ouverture. La couleur du ciel y est authentique », raconte avec expérience, le propriétaire de la Casa de Orellana à Trujillo. Grande ouverture vers l’ailleurs naguère. Et grand bol d’air aujourd’hui pour les citadins, dont les Madrilènes, qui l’affectionnent particulièrement lors des fins de semaine et des festivités.
Longtemps isolée, la région cueille aujourd’hui les fruits d’une nature réservée.
Grande comme les Pays-Bas, l’Estrémadure est très faiblement peuplée mais abondamment dotée lorsqu’il s’agit de dénombrer les arbres (60 millions, dont la moitié sont des chênes-lièges) et la faune (75 % du territoire est considéré comme zone importante pour les oiseaux). Les cigognes ne s’y trompent pas, qui nichent sur les clochers et faîtes d’édifices au printemps. Chacun des
54 espaces naturels, soit l’ensemble le plus important en Europe, ouvre sur un monde en soi.
Ainsi, le parc national de Monfragüe, reconnu réserve de la biosphère par l’Unesco.
Sur 18 000 hectares situés au nord de l’Estrémadure, le randonneur peut voir évoluer dans son ciel le vautour fauve, la cigogne noire, l’aigle royal, le faucon pèlerin et le percnoptère. Les cieux de l’Estrémadure sont trop grands pour un peintre. Il s’y perdrait. Ils sont à hauteur d’astronome. La pureté de la nuit en fait une terre d’élection des scientifiques avec leurs drôles de lunettes à démasquer les étoiles. Le complexe astro-touristique Entre Encinas y Estrellas de Fregenal de la Sierra est un havre pour chasseurs de nébuleuses planétaires. On peut y laisser sa lunette optique à l’année, ou s’initier à l’astronomie et à la
photographie, en pleine nature, au calme. Plusieurs chalets sont à louer, une piscine est à disposition. On peut même demander le ciel.